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ET MON TOUT EST UN HOMME - BOILEAU-NARCEJAC
Denoël - 1965 

Comment s’évader de prison après avoir été condamné à la guillotine et purgé sa peine, à savoir la décapitation ?
Cette idée géniale constitue le sujet de ce roman hallucinant « du tandem phare de la littérature policière » des années 60 du siècle dernier ; elle est surtout l’occasion, à partir d’un concept qui demeure encore de la science-fiction (la greffe intégrale), de s’appesantir sur certains aspects mal compris même aujourd’hui de l’implantation d’organes de substitution.
Un corps humain, dont le propriétaire a fait don à la science, peut-il continuer à exprimer certaines tendances de l’ancienne personnalité chez celui qui en a reçu certaines greffes ? Nos auteurs à suspense s’en donnent à cœur joie avec toutes sortes de variations : un bras qui garde le réflexe d’auto-défense en se portant à la poche revolver ; un ancien peintre dont le bras greffé se met à peindre n’importe comment… et qui atteint à une notoriété qu’il n’avait pas eue lui-même auparavant ! Une jambe greffée qui fait dire à son nouveau possesseur qu’il a la nostalgie de l’autre : celle dont il n’a pas bénéficié lui-même suite à un accident de la route. Le greffé cœur-poumons qui écrit dans son journal intime : « Je me sens tout éparpillé ; je vois bien que les désirs qui me travaillent ne m’appartiennent pas en propres ».
Fantaisies chimériques que tout cela ? Pas du tout ! Depuis quelques années où les greffes se sont multipliées, certains exemples vécus sont venus corroborer une certaine « rémanence » du donneur chez le greffé : en 1997, la plus ancienne transplantée cœur-poumons, une Ecossaise, interviewée à l’époque, affirmait croire que l'esprit de sa donneuse - une adolescente de 13 ans – « vit en elle ». Elle prétendit même l’avoir vu en rêve.
C’est cette « rémanence » qui pousseraient un grand nombre de greffés à rechercher – et retrouver – la famille de leur donneur, condition sans laquelle ils ne pourraient accéder à la sérénité.
Mais le propos de Boileau-Narcejac n’est pas celui-là même s’ils accréditent tout d’abord dans leur livre que la greffe est si lourde à porter qu’elle incite chacun qui en a bénéficié au suicide… Sauf pour l’un d’eux, précisément, puisqu’ils n’hésitent pas à extrapoler les progrès de la médecine à un point où la greffe de la tête sera possible !
Là aussi, on aurait tort de sourire : des brevets n’ont-ils pas été déposés dans ce sens, il y a plus de 20 ans ?
Le dénouement du livre est machiavélique et je ne saurais le dévoiler ici même si je l’ai fortement suggéré.

Michel GRANGER

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