Voilà un roman policier qui sort de l’ordinaire : une première partie, dans la pure tradition : des gens disparaissent en France, en Angleterre. Des gens sans aucun rapport entre eux, socialement, personnellement, qui, du jour au lendemain, sont soustraits à leur milieu sans espoir de retour. Des lettres tapées à la machine viennent ponctuer certains de ces enlèvements stipulant que tous les coupables tomberont entre les griffes du Dragon. Formule bien pompeuse qui soulève des interrogations. Est-une bande d’anarchistes internationaux qui sévit ou une bande de malfaiteurs frappant au hasard pour une raison qui reste à élucider? D’autres lettres précisent que les coupables de ces kidnappings ne sont pas des meurtriers mais des justiciers, ce qui ajoute à la confusion et dissuade de la théorie d’une vengeance aveugle. La seconde partie du livre se passe au Moyen Orient, en Inde plus précisément, là où les héros du livre, une fille de banquier et le fils d’un Ministre, déguisés en citoyens russes (!), seront entraînés à la poursuite d’un mystérieux rajah qui semble mêlé de près à ses disparitions. Et ce, sous la houlette d’un détective privé du nom de Nestor Prolix, accompagné de son épouse, dont la perspicacité grandement affichée ne fera qu’établir les faits permettant de remonter la piste et non pas d’éclaircir le ressort caché de cette histoire peu banale… Et là on découvre la clé de l’énigme qui s’apparente plutôt à une franche utopie qu’à une aventure policière dont le dénouement demandera de gros sacrifices de la part desdits héros mais les conduira au bonheur. Le « maudit » n’est pas celui qu’on pense ! Il faut là tout le talent d’un auteur aguerri pour faire passer une si grosse pilule, laquelle flirte parfois avec la science-fiction, sans basculer dans le mélodrame et rester vraisemblable. Un exercice de style à saluer même si, apparemment, il ne fut suivi d’aucune autre tentative. Il est vrai qu’après avoir écrit ça, il est difficile d’envisager de faire plus fort. A moins que ce soit le pseudonyme d’un auteur connu à l’époque.
Michel GRANGER
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