N’ayant pas lu à l’époque ce livre de Frédéric Dard, pendant les 200 premières pages, je me suis dit qu’il aurait mieux fait de ne pas écrire ce 32ème livre signé de son nom tant cette histoire sordide peut paraître choquante et inintéressante : une femme violée qui devient consentante puis veut se venger.
Tout commence par ce qui ressemble ni plus ni moins qu’à un viol perpétré dans le train Paris-Nice par un élégant voyageur sur la personne d’Elisabeth, la secrétaire d’un éditeur d’art homosexuel parisien qu’un marchand de tableaux de la Côte d’Azur a remarquée et désire prendre comme collaboratrice. Or le violeur se révèle être le marchand de tableaux et tout semble avoir été organisé entre les deux professionnels !
Le livre sombre alors dans la narration complaisante d’une mise sous emprise sexuelle de la fille laquelle y trouve beaucoup de plaisir même quand elle croule sous les coups assénés par son amant. F. Dard s’attarde avec complaisance sur l’aspect glauque de l’histoire y ajoutant même une autre fille aussi utilisée comme esclave sexuelle. Toutes les deux sombrent dans la pire déchéance, se droguant plus ou moins volontairement. Dans un dernier moment de lucidité, elles vont jusqu’à kidnapper un enfant pour en faire accuser leur tourmenteur...
Et puis, tel était le génie de cet écrivain, en 20 pages, capable de rattraper cette intrigue malsaine pour en faire une histoire d’amour même si la transformation d’un obsédé sexuel en un amoureux sincère est assez peu vraisemblable. Mais qui ne pardonnerait pas cela au grand Frédéric Dard lequel nous a donné tant de chefs d’œuvre comme : Ma sale peau blanche, Le sang est plus épais que l’eau, Une seconde de toute beauté, pour ne citer que trois titres ?
La fin est particulièrement soignée qui va faire de ce livre trouble un petit chef d’œuvre assez peu critiqué avec une apothéose finale dont, à mon sens, il n’avait pas besoin.
Michel GRANGER
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