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JC_couv_chevalfourbu

COMME UN CHEVAL FOURBU -JEAN CONTRUCCI
L’Ecailler, juin 2007, 229 pages, 7,50 €

4° de couverture
« Jusque-là, tout va bien » , comme disait le type tombant du vingtième étage en passant devant les fenêtres du troisième.
Mais dans un roman noir, il y a forcément quelque chose qui se détraque, même si « jusque-là » tout semblait tracé. Professeur agrégé dans un lycée de Marseille, Jacques Morançon, tandis que sa vie privée se délite, va se voir contesté dans ce qu’il a de plus cher : sa vocation d’enseignant. Les principes s’effacent et les assurances s’effondrent, même si en apparence tout est comme avant. Face à sa vie retournée comme une crêpe, dans cet hôpital où il est arrivé il ne sait comment, que va bien pouvoir faire Jacques Morançon ? Mourir, tout simplement ? Ou, avant cela, comprendre pourquoi il est là

Journaliste, historien, écrivain, Jean Contrucci est l’auteur d’une série de romans policiers historiques passionnants sous l’intitulé des « Nouveaux Mystères de Marseille ».
Dans ce roman psychologique et très sombre au contexte presque « chabrolien » il prend le lecteur par la main pour lui conter une fable sournoise menée avec une rare malice.

Le roman de Jean Contrucci s’ouvre sur cette citation de John Lennon :
« La vie, c’est ce qui arrive quand on prévoyait autre chose »
D’emblée le lecteur est prévenu ! Tout ne sera pas rose dans cette histoire.

Les souvenirs se bousculent dans la tête de Jacques Morançon, immobile sans son lit.

Son lycée : «  C’est une caserne faite de cubes juxtaposés, répartis dans une pinède, une immense garderie abritant deux mille cinq cents élèves résignés qui attendent que ça passe et quelques centaines de profs qui en font autant »

Ses élèves : « … Christian Rousselier, avec sa tête blonde d’ange déchu et son regard fixe. Le chef incontesté. L’âme du groupe. Mais bien trop intelligent pour se commettre en première ligne. Et ses lieutenants. Ses hommes de main : Ferrand, Franceschi, Pelletier, Oussekine et l’ineffable Pinatel, le fils du Michel-Ange de la pièce montée, le plus gros pâtissier de la ville. Aussi futé qu’un baba au rhum.

- Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute, à moi, les études ? Je vais prendre la suite de mon père. Et je me ferai cinquante fois plus, avec les éclairs et les mille-feuilles, que vous avec vos livres et les couillonnades de Chateaubriand et de l’autre tarte, là… comme l’appelez, déjà ? L’abbé Prévost. »

Sa femme : «  Je le reconnais volontiers, Nicole, j’ai ma part de responsabilité : nous nous sommes installés dans la vie familiale comme dans de vieilles pantoufles ».

Et puis il y a ses filles. Marianne qui ne pense qu’à quitter la maison où elle étouffe, avec qui toute discussion est impossible : “- Quoi que tu en penses, le bonheur passe avant la réussite matérielle. L’amour passe avant l’argent...”. Je me suis ressaisi à ces mots et j’ai pu, à mon tour, placer une réplique, mais elle était inutilement blessante : “- Surtout quand on vit avec celui de papa...”. J’ai vu le mépris dans son regard : “-Vraiment, pas la peine que je t’explique...”

Heureusement il y a Christine, une pianiste surdouée : « Au début du concert, j’étais fou d’angoisse. En un soir, la carrière de Christine se jouait à pile ou face (…) Comme elle était belle, notre Christine, dans ce fourreau noir qui faisait ressortir l’éclat de ses cheveux. »  

Par une succession de chapitres courts et poignants, comme les souvenirs de son “héros”, Jean Contrucci  construit une intrigue solide et prenante au rythme haletant. 

Un beau roman, noir et tragique.
Comme la vie. 
Celle qui arrive quand on prévoyait autre chose.
Prévoir ?

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