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LES DIABOLIQUES DE MALDORMÉ - JEAN-CONTRUCCI
JCLattès, Novembre 2007, 466 pages, 15,50 €

   Pour la sixième enquête du duo Raoul Signoret - Eugène Baruteau, Jean Contrucci nous fait visiter un nouveau quartier de Marseille, celui de Malmousque, au bord de mer.

   Le notaire Théophile Deshôtels a été retrouvé pendu à l’espagnolette de sa chambre. S’agit-il d’un crime ou d’un suicide ? Curieuse coïncidence, Mariette, sa bonne, a disparu la même nuit.

   La gouvernante Liselotte Ullmann, dont la chambre communique avec celle du notaire, a été retrouvée bâillonnée. Mais d’une façon bien curieuse et tout laisse penser qu’elle s’est attachée elle-même afin de faire croire à une agression. Malgré ses protestations elle est arrêtée et jugée très rapidement. Elle a beau jurer qu’on l’a droguée, tous les éléments se liguent contre elle. Et, défaut suprême en un temps où la France de la Belle Epoque ne rêve que de la Revanche qui fera oublier la défaite de 70, elle est Allemande !

  Raoul, peu convaincu par les arguments de l’accusation, va essayer de démasquer le véritable coupable, avec l’aide de Riri, un simple d’esprit, sans oublier, bien sûr, son oncle Eugène Baruteau, le chef de la police.

   Que pourrais-je dire que je n’ai pas encore dit à propos des romans de Jean Contrucci ? C’est toujours avec le même plaisir qu’on retrouve nos enquêteurs Raoul Signoret et son oncle Eugène Baruteau, sans oublier la fidèle Cécile dont le métier d’infirmière est bien utile pour jouer les espionnes.
   Que faut-il mettre en exergue ? Son sens de l’intrigue ? Son humour ? Ses dialogues savoureux ? Sa profonde connaissance du passé de Marseille qu’il fait revivre avec talent ? Le parfait équilibre entre les différents ingrédients qui font un bon roman ? Tout est à saluer.
   D’entrée, le ton est donné : “La seule âme qui vive à cette heure matinale dans l’anse de Maldormé était donc celle de Victor Rabinel, car le chat noir qui le suivait à distance n’en possédait pas, à en croire René Descartes qui écrivait parfois n’importe quoi.” Des phrases comme ça, moi, ça me met en joie, pas vous ?
   Une enquête riche en rebondissements, de l’action, du suspens, mais nos héros ne sont que des hommes, pas tout à fait comme les autres, certes, mais comme tout un chacun, ils aiment la bonne chère et Jean Contrucci sait nous faire venir l’eau à la bouche. La page 264 est un véritable hymne à la soupe au pistou ! “Comme pour illustrer par un point d’orgue ces échanges culinaires, Colette - suivie par son époux qui amenait le vin rosé comme on porte un ciboire - posa sur la table une imposante soupière pleine d’un potage épais servi à peine tiède (...) d’où s’exhalait la puissante senteur du basilic longuement pilé (...) Sans attendre Colette plongea sa louche dans le mortier de légumes mêlant les couleurs et les parfums dans un camaïeu visuel et olfactif qui fit saliver les convives. Elle procéda à la répartition dans les assiettes avec des gestes d’officiant au moment de la communion. On s’attendait à l’entendre dire avec chaque louchée : “Prenez et mangez, car ceci est ma recette...”
   Une enquête embrouillée à souhait, disais-je, mais comme dans les bons films, cela ne serait pas suffisant sans les seconds rôles. On découvre ici Placide Boucard un ancien journaliste sportif et bon vivant, qui habite Malmousque et qui ponctue ses phrases avec des extraits de Faust, un opéra qu’il connaît par coeur, ou Riri-le-fada, un simple d’esprit attendrissant qui était amoureux de la belle Mariette, et puis on a plaisir à retrouver l’ineffable Escarguel, toujours aussi allumé.
   Ce nouveau Mystère de Marseille est une nouvelle réussite. Un livre qu’on savoure, qu’on déguste, qu’on fait durer le plus longtemps possible, qu’on voudrait ne voir jamais finir. Et on a envie de demander à l’auteur : “Mais comment faites-vous pour vous renouveler à chaque roman ?”
 

- Jean Contrucci, comment faites-vous pour vous renouveler à chaque roman ?

C'est bien la question qui m'angoisse. Jusqu'à quand parviendrai-je à me renouveler? J'avoue que pour l'instant, je n'ai pas la réponse. Je ne peux qu'enregistrer ce que me disent mes lecteurs. Jusqu'ici, les six épisodes, bien qu'ayant un “air de famille” propre à la série, ne se ressemblent pas. Tant mieux pour moi. Et pour eux.

- Quand je lisais  les répliques de Baruteau, je ne sais pas pourquoi, mais je les entendais avec l'accent de Raimu ! Et je me suis demandé quels acteurs pourraient incarner les principaux rôles ? Si ce film avait été tourné du temps de Raimu quels acteurs verriez-vous et ensuite si c'était aujourd'hui ?

Vaste question. Bien sûr, pourquoi le cacher, une adaptation audiovisuelle me comblerait. Mais j'en vois les écueils : faire du sous-Pagnol (à cause de l'accent) avec de mauvais acteurs singeant l'accent du sud. Un cauchemar. Si la distribution était puisée au temps de Raimu, je n'y verrais certainement pas Raimu, qui ferait du Raimu, mais Harry Baur, dans le rôle du commissaire Baruteau. Et Berval dans celui de Raoul Signoret (surtout pas Alibert!). Aujourd'hui ? Hélas, personne. Non, je n'aurais droit qu'à des épigones de "Plus belle la vie". L'horreur...

- Enfin, qaund on a terminé le livre on se pose la question traditionnelle : y aura-t-il un tome 7 ? Et ensuite un tome 8 ?

Il y a déjà un tome 7 tout prêt. Je l'ai mis au frigo pour un an. Son titre? Le guet-apens de Piscatoris. Il se déroule durant l'hiver 1907 sur les bords de l'Huveaune, à Saint-Marcel. Quant au tome 8, j'y songe. J'ai déjà le titre: Le vampire de la rue des Pistoles. Reste plus qu'à écrire les 450 pages manquantes.

- Jean Contrucci, Merci.

Visitez le site de Jean Contrucci : http://jeancontrucci.free.fr

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