Ce livre policier unique* dans l’œuvre de l’auteur lui aurait été inspiré par un reportage effectué à Londres l’année précédente. En effet, l’atmosphère londonienne est plaisamment restituée en un style excellent qui, heureusement, fait passer l’imbroglio et l’invraisemblance de l’intrigue. Celle-ci s’articule entre le mélange de deux bagages contenant des restes macabres : une malle retrouvée à Knocke-an-Zee, en Belgique, et contenant une femme sans tête en fort état de décomposition et une autre malle contenant, elle, ce qu’il reste d’une femme dépecée qui va être retrouvée dans le garage d’un antiquaire londonien grâce à l’enquête de l’inspecteur de Scotland Yard, O’Brien. Et ce, grâce au repérage, cinq jours plus tôt, d’une valise suspecte déposée depuis 10 jours à la consigne de la gare de Victoria, à Londres, dont l’odeur qui s’en dégageait a attiré l’attention ; à l’intérieur : un pied et des bras de femme. Quelle difficulté déjà pour en arriver là ! Mais alors quand il s’agit d’expliquer comment les deux malles ont été confondues, l’auteur rame dur. Il écrit : « Entre les deux malles, le hasard avait chanstiqué l’ordre logique des emplacements, selon les termes du commissaire Cortefontaine. » Car, si l’une des femmes est une prostituée anglaise, l’autre était française (en fait, celle qui aurait dû être retrouvée en Belgique mais qui en fait l’a été à Londres !). D’où l’intervention d’un policier français. On voit que l’histoire n’est pas simple à suivre. Même si l’épilogue est simpliste et ne réserve aucune surprise comme s’il s’agissait d’un remplissage, certes bien écrit, mais sans aucun suspense… Pourquoi avoir enfanté un scénario si original si peu probable, exposé une solution plausible et sacrifié ainsi le dénouement ? C’est sûrement l’affaire de l’auteur qui, avec son tueur numéro 2, lequel est une tueuse, heureusement ne s’est pas risqué à récidiver dans ce genre de récit. Ce qui ne l’empêcha pas d’accéder à l’Académie Goncourt et à être reconnu comme un grand romancier français. Pour moi, il ne fut pas un grand écrivain de livre policier et j’en suis désolé pour les fans de son « comité ».
* La Librairie des Champs Elysées, collection Le Masque, publia en 1934 un autre des livres de Pierre Mac Orlan (1882-1970) mais dans la série « Aventures et légendes de la mer ».
Michel GRANGER
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