Polar : Michel de Roy pourriez-vous vous présenter rapidement aux lecteurs de ce site (profession, âge, etc.) ?
Je suis né le 13 (porte bonheur) décembre 1948, à ORANGE (Vaucluse). Marié, trois enfants. Depuis peu de temps je suis retraité de police. J’ai été officier de police judiciaire à la brigade des stupéfiants, aux mœurs, à la criminelle, et finalement à la brigade financière. Mais j’ai également été magasinier, commerçant, détective privé, barman.
P : Question traditionnelle : pourquoi écrire ?
J’ai commencé à écrire car je voulais que mon fils (j’ai eu depuis deux autres enfants) puisse dire un jour : « mon père a fait ça ». Et comme mon premier manuscrit a été sélectionné et a obtenu le prix du Quai des Orfèvres 1986 (Sûreté Urbaine), j’ai continué.
P : Pourquoi du polar ? Avez-vous écrit autre chose ? Si oui, quoi ?
Du polar, principalement, car je puise l’inspiration dans mon métier. Mais pas uniquement du polar, aussi des contes, des nouvelles, fantastiques et policières, et des paroles de chansons.
P : Votre premier roman a obtenu le prix du Quai des Orfèvres, est-ce que cela est un avantage par la suite pour faire publier vos autres romans ?
En fait je ne sais pas, car je ne me suis adressé (pour l’instant) à aucun éditeur national. Fayard, éditant systématiquement le prix du Quai des Orfèvres, m’a édité à 150 000 exemplaires, (trois fois 50 000) plus les traductions en langue étrangère. Mais je suppose que ça devrait simplifier les contacts, ou en tout cas faciliter une approche.
P : Vos derniers romans sont parus chez un éditeur régional : les éditions de l’Enclave. Pourquoi ce choix ?
L’explication est simple, en 1987 j’ai été contacté par un éditeur régional qui m’a demandé d’écrire chez lui. J’ai accepté et par la suite je me suis dit que je saurais certainement faire la même chose que lui. C’était parti. Ce qui est dit devant être fait, j’ai créé ma propre maison d’édition (Editions de l’Enclave) et j’ai édité quelques auteurs et mes propres livres. J’étais loin de me douter des difficultés que j’allais rencontrer, sinon…
P : Pourriez-vous nous parler de ces difficultés ? Problème de diffusion ? Eloignement de la capitale ?
Les difficultés que j'ai rencontrées lors de la création de ma maison d'édition sont les suivantes (et j'en suis seul responsable) : nous ne sommes pas diffusés et par conséquent je participe le plus souvent possible à des journées sur le polar (Neuilly Plaisance, Montigny les Cormeils, Mauves sur Loire, Frontignan, Lyon, Cognac, Noves, etc.) Une autre difficulté vient du fait que lorsque j'ai crée les "Editions de l'Enclave", je n'ai demandé aucune subvention à la région, préférant attendre d'avoir, ce qui a été le cas assez rapidement, 5 ou 6 auteurs afin de présenter les choses en disant : la maison d'édition existe, en voici la preuve, nous avons tant d'auteurs.
Or entre temps il y a eu un changement de dirigeant à la région Languedoc Roussillon devenue depuis Septimanie et il est maintenant inutile, m'a-t-on répondu lorsque je me suis enfin manifesté, de demander quoi que ce soit.
Je tiens donc la maison d'éditions à bout de bras (c'est très lourd) et j'en suis largement de ma poche pour honorer les contrats ou promesses ayant été faits avant ce changement. Quant à l'éloignement de la capitale, je ne le ressens pas vraiment, me déplaçant fréquemment, loin de chez moi.
P : Parlons un peu roman policier. Le "polar" c'est quoi pour vous ?
Pour moi, le « polar » c’est le reflet de notre société, avec ses coups bas, ses turpitudes, mais aussi sa générosité (mais oui, ça existe).
P : Est-ce que vous lisez beaucoup de romans policiers ? Quels sont vos auteurs de polars préférés ?
J’ai lu beaucoup de romans policiers mais j’en lis moins faute de temps. Mes premières lectures de ce genre ont été Conan Doyle. Gamin, je lisais et relisais les « Sherlock Holmes ». Maintenant ma préférence va vers les romans et nouvelles de Cornell Woolrich qui a aussi écrit sous le pseudonyme de George Hopley et qui n’est autre que William Irish (j’ai épousé une ombre, la sirène du Mississippi, fenêtre sur cour, etc.) Quelle précision, chez cet auteur, dans le choix des mots pour décrire les lieux ou dénoncer les sentiments humains les plus profonds… !
P : Combien de temps en moyenne pour écrire un roman ?
J’essaie d’écrire un roman par an. En réalité il me faudrait moins de temps, mais comme je n’écris que lorsque je ressens un réel besoin d’écriture…
P : Pourquoi avoir choisi comme héros un « privé » plutôt qu’un policier, un commissaire ?
Parce que j’aurais, involontairement mais probablement, tendance à vouloir m’identifier au héros. Or, entre nous soit dit les héros n’existent pas dans la réalité de la vie d’un flic. Bon, c’est vrai que j’ai aussi été, je vous l’ai dit tout à l’heure, détective privé. Mais dans mes romans, Rémy de Choli est loin d’être un héros. Il me sert plutôt de lien entre ce dont il est le témoin ou l’acteur, et le lecteur. Il relate en direct de ce qu’il vit ou a vécu pour en informer le lecteur.
P : Comment écrivez-vous vos romans ? En partant sur une vague idée et en découvrant les péripéties au fur et à mesure ou bien en suivant un schéma bien défini que vous suivez à la lettre ?
Mon roman tient (quant à sa charpente ou plus exactement à son squelette) en trois phrases : l’idée de départ, l’idée intermédiaire et enfin et surtout l’idée finale). Mais là vous avez le tiercé dans le désordre parce que je démarre toujours par l’idée finale pour terminer par l’idée initiale. Ce choix ne prive pas mes personnages de liberté (il y a en même qui parfois m’échappent). En tout cas ils sont libres de se mouvoir dans des limites souhaitées.
P : Avez-vous un autre roman en chantier ? Si oui, son thème, son titre si ce n'est pas indiscret.
Oui, j’ai un prochain roman en cours d’écriture. En réalité j’en ai deux en chantier, mais pour ne parler que du prochain : je ne connaîtrai le titre que lorsque je l’aurai terminé. Thème policier, dont l’action se déroulera, une fois encore, dans la région gardoise qui est ma région de naissance préférée. (J’ai eu une vie antérieure qui arrive parfois à me rattraper, comme quoi la mémoire va parfois plus vite que le son ou la lumière.)
P : Quelle question ai-je oublié de vous poser ? (et sa réponse !)
Je ne vois pas. Votre interview me semble très complet (ou complète mais je crois qu’on dit les deux.) Pourtant, si je devais vraiment trouver… Peut-être le rythme d’écriture et la façon de « me mettre à table » ? Rythme : incertain, en tout cas pas programmé puisque j’écris n’importe où. Par exemple, quand j’écris sur papier les premiers symptômes peuvent se déclencher dans un bar, alors je me soigne immédiatement et j’écris. Ou dans le train, ou devant la télé(allumée). En fait n’importe où et sans prévenir. Et quand j’écris dans ma tête, c’est tout le temps, en permanence. Je stocke, emmagasine, trie, case, mets de côté en attendant que… En revanche, quand j’écris chez moi je peux commencer le matin, tôt, pour ne terminer que le soir, tard. Et quand j’ai fini, enfin quand je m’arrête, été comme hiver j’ai froid, très froid. Je suis vidé de mon énergie.
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