L’auteur de ce petit livre de 126 pages au format atypique fut un réalisateur et scénariste de cinéma français (né en 1891, mort en 1966) rendu célèbre pour le film Mirages sorti en 1937. Il se livre ici, dans le premier titre d’une collection prometteuse qui se révélera éphémère, à un plaisant récit de quelques petits meurtres survenus à Lyon, dans le milieu interlope de la rue des Maccabées (bars, ateliers aux objets hétéroclites, caves…), sur fond de black-out en vigueur pendant la sombre période vichyssoise de la fin de la dernière guerre. C’est pendant une telle période que le patron du bar Chez Prosper, se voit tirer dessus, le projectile venant se loger dans la glace, derrière le comptoir, le manquant de peu. Derechef, il va porter plainte à la police alors qu’un de ses clients vient se reconnaître coupable de ce carton manqué : un client avouant avoir fait cela sans motif précis dans un état d’ébriété avancé. Tout serait donc élucidé en une bizarre folie de fêtard si Prosper n’était pas retrouvé peu après assassiné ! C’est son garçon de bar, Dédé, qui le découvre dans la cave, poignardé à la hauteur du cou et baignant dans son sang. Du coup, l’inspecteur Leroy lance son enquête et il est fortement enclin à soupçonner ce garçon d’autant que celui-ci se verra repéré non loin d’une ferme de la région lyonnaise, où le corps d’un autre homme, client lui aussi du même bar, sera retrouvé étranglé par un inconnu. Un inconnu manifestement plus costaud que le garçon de bar, chétif et malingre à l’excès. Une atmosphère trouble mettant en scène une fille de joie suicidaire sur fond de trafic de pièces d’or ajoute à l’intérêt de cette histoire qui, après avoir trainé quelque peu en longueur, aboutit à une réalité fort possible, surtout en cette période où la police est dédoublée par une chasse aux résistants dans une ville occupée. Un livre sans prétention qui se lit avec plaisir même s’il ne constitue pas le meilleur de ceux qui parurent après lui dans la même collection. Pour moi, le meilleur est celui de Léon Groc, Les jumeaux du 14 juillet. Quant à l’auteur, il ne semble avoir récidivé qu’une fois chez Ferenczi, en 1953, avec Présences invisibles, collection « Le Verrou».
Michel GRANGER
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