J'AI AIME
MG_couvMrCauchemar

MONSIEUR CAUCHEMAR -PIERRE SIGNAC
Denoël, Crime-Club, n°26, 1960.

Brouillard persistant sur Paris, grève de la police totale et illimitée, voilà le champ libre à l’insaisissable étrangleur de noctambules qu’on va surnommer « Monsieur Cauchemar » : une occasion trop belle attendue depuis des années et des conditions idéales pour des crimes parfaits : six en six jours avec deux remarques insolites : la sélection des victimes est, semble-t-il, uniquement faite sur la caractéristique de leur accoutrement : acteurs en habits de scène, aveugle rentrant chez lui à tâtons, mariniers à casquette, violoncelliste avec son instrument, bossu... (l’assassin aurait un ressentiment tenace contre un clown parti jadis avec sa maîtresse !) et la mort par strangulation donnée en deux temps : une première attaque non fatale qui suscite un cri de mort horrible (« un cri auquel la victime a droit ! ») sans tuer, la fuite et l’exécution subséquente sans, cette fois, la moindre réaction. L’assassin, adepte de l’hypnose, subjuguerait-il ses victimes au point de se laisser faire avant de leur écraser la carotide ?

Un gamin de 12 ans, au nom savoureux de Francinet, dont le père adoptif est un inspecteur (en grève), débusque l’assassin en la personne du bouquiniste du coin auquel il vole de vieux polars. Francinet, dont le vrai père a été guillotiné pour l’assassinat d’une rentière et dont la mère a épousé l’inspecteur ayant contribué à l’arrestation de son premier mari… L’étrangleur sympathise avec lui au point de vouloir lui prouver qu’il est bien M. Cauchemar en le faisant assister aux autres meurtres, de loin… ; ainsi, Francinet partagera son secret. Et il lui dira : « J’ai inventé un truc pour supprimer les gens sans danger. Des crimes parfaits, tu comprends. J’ai trouvé le moyen de tuer mes « clients » avec leur consentement. Tu ne trouves pas ça fortiche ? »

Une mécanique bien huilée à la Pierre Siniac (il n’a pas encore adopté ce pseudonyme), sans grandes tricheries avec le lecteur comme c’est, hélas, souvent le cas.

Avec à la fin, l’originalité de proposer trois dénouements au choix : un (clin d’œil aux auteurs malhonnêtes) qui laisse le lecteur sur sa faim, une autre qui est une « fin » heureuse et la troisième qui amène une certaine rationalité dans cette histoires de fous comme en affectionne Siniac. Une idée diabolique traitée avec un talent fou. Un régal !

Michel GRANGER

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