Ce « roman criminel » est le premier de l’auteur : il révèle un écrivain attachant à la plume alerte qui suggère plutôt qu’il ne décrit : ainsi son héros, le commissaire Guillais, le seul policier à jambe de bois à ma connaissance, ne se dévoile que parcimonieusement comme un tableau de pointilliste peint au ralenti. On apprend par des informations minimalistes semées dans le texte qu’il a 26 ans (il est le commissaire le plus jeune de la Sûreté), a une jambe en moins amputée au-dessous du genou suite au combat dans la Somme durant la guerre, qu’il fait des vers à la façon de T. Gauthier et S. Prudhomme, qu’il est amoureux d’Huguette, une infirmière rencontrée à la sortie de la station de métro Pigalle où, un jour, il a trébuché dans l’escalier et qu’ils ont en projet de se marier… sans être pressés d’y arriver. A. Tirard est très en avance sur son temps.
Guillais se déplace en Normandie où un jeune manutentionnaire des Halles, monté à Paris et revenu au pays pour annoncer son mariage avec une fille de la ville, a été abattu d’un coup de carabine, le soir de la fête du village, précisément dans le parc de la propriété où son père exerce la fonction de jardinier ; c’est là qu’il venait d’entraîner son ancienne amie d’enfance laquelle, en toute innocence, a cru qu’il voulait perpétuer leur idylle. Trois cris de chouette parfaitement imités ont précédé la détonation… Précédé ou bien déclenché ? Etait-ce un signal ? Le coup est parti d’une des fenêtres du manoir.
L’enquête de Guillais se circonscrit aux parents et amis du jeune assassiné et aux personnes présentes chez le châtelain, la famille et des invités, ce soir-là. Assez de monde pour mettre en place un paquet d’intrigues dont certaines assez sordides dans lesquelles l’auteur semble se complaire. Rares sont les gens fidèles dans les romans de A. Tirard ; mais ne fait-il pas là une peinture réaliste du monde où il vit ?
L’assassiné finalement qui avait toutes les raisons de se voir visé et dont le père effondré désigne le coupable (bien sûr pas le bon !) n’a eu que la malchance de se trouver là juste au mauvais moment.
L’affaire démêlée et la résistance du coupable n’ayant pas résisté au cri de la chouette, Guillais résoud magistralement cette première affaire. Huguette le rejoint pour une petite escapade en bord de mer. Ils repèrent un accordéon et elle va le lui acheter...
Michel GRANGER
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